QD & MOI – AXEL RIVIÈRE – TECHNICAL SUPERVISOR
Quantic Dream : Peux-tu te présenter ? Quel est ton nom, d’où viens-tu et quel est ton rôle chez Quantic Dream ?
Salut moi c’est Axel, un pur produit parisien élevé aux pains au chocolat – je précise pour nos amis du sud de la France :p Plus sérieusement j’ai un profil relativement atypique, j’ai surtout fait de la musique pendant mes premières années, avant de rejoindre une formation plus scientifique et informatique. Quant à mon rôle à Quantic Dream, je suis officiellement Technical Supervisor. J’ai commencé au studio en 2004 sur des missions temporaires, et j’y ai travaillé sur chaque jeu depuis Fahrenheit: Indigo Prophecy, jusqu’en 2019. Je suis revenu en 2021, après un passage chez Dontnod, mais en réalité ma vie chez Quantic Dream ça représente une douzaine d’années, étalées sur deux décennies !
QD : Comment t’es-tu retrouvé à travailler dans l’industrie du jeu vidéo ? Était-ce un rêve de longue date, ou l’as-tu intégré un peu par hasard ?
Ça semblait inaccessible pour l’ado que j’étais au début des années 90, donc ce n’était même pas un rêve, mais plutôt un hobby. Pour moi, les jeux vidéo étaient fabriqués par des “stars du code” aux États-Unis ou au Japon ; il faut rappeler qu’il n’y avait pas d’écoles dédiées, à l’époque, ni vraiment internet, donc peu d’information sur les formations. Je m’amusais sur mes calculatrices graphiques à imaginer comment étaient fait les jeux ; j’ai réalisé quelques jeux et démos, dont un jeu inspiré de Star Wars, joué par 4 personnes, moi inclus :p
Après un DESS en informatique généraliste, j’ai essayé d’intégrer des entreprises de développement de logiciels, avant de me tourner vers le milieu du jeu vidéo qui commençait à s’organiser en France. J’ai commencé comme testeur Quality Assurance, rôle ô combien important qui m’a beaucoup appris sur le cycle de vie des productions. C’était dans un petit studio indé, et de fil en aiguille, j’ai atterri chez Quantic Dream. J’ai été Game Programmer, Tools Programmer, Game Builder, Tech Designer. Et c’est assez rigolo de regarder en arrière parce que je ne fais pas du tout aujourd’hui ce que je faisais il y a 10 ans, malgré quelques constantes – coucou JIRA !
QD : Parle-nous plus précisément de ton travail ici ; quel est ton rôle et celui de ton équipe ?
La Game Building c’est une équipe qui assemble le jeu à partir d’éléments venant d’autres départements, que ce soit du code, des animations, des objets de décors. Mon rôle est donc d’assurer que tout se passe bien et de coordonner ce qui doit l’être. En pratique il y a trois aspects à mon travail : d’un côté la veille sur notre technologie, pour savoir ce qui est disponible, dans quel état, et avoir une vision à plus ou moins long terme pour orienter les demandes de nouvelles fonctionnalités à notre équipe Tools. À ce titre je vais également chercher des bugs, suivre les chantiers, lancer des discussions entre départements. Ensuite je participe à l’intégration des jeux d’un point de vue plus macro : c’est-à-dire suivre le développement d’un jeu de manière globale, analyser les erreurs, trouver des solutions techniques en fonction des besoins. Et plus tard dans le développement, analyser les performances avec les directeurs techniques et proposer des refontes des scènes ou du projet, si nécessaire. Et enfin, le dernier point c’est le support : être là pour les différentes équipes qui travaillent sur nos outils d’assemblage et caméra. (ndlr: vous pouvez découvrir Buildozer ici et Popcorn là)
QD : Dis-nous en plus sur les membres de ton équipe. Tu as quelques anecdotes en mémoire ?
Instinctivement l’anecdote qui me revient en tête, c’est celle-ci : à une époque je ramenais des gâteaux chaque semaine, à la Game Building. On avait construit ensemble un robot géant avec les boites, qu’on avait appelé “Monsieur Gâteau”. Un jour, des journalistes sont passés au studio et c’est Guillaume, le CEO, qui faisait la visite. Il s’est arrêté un instant sur nous et leur a dit “vous pourrez noter la créativité de nos équipes” !
QD : Peux-tu nous décrire ta journée type ? Est-ce que ça existe pour toi ?
Le Chaos. Tout le temps. xD Plus sérieusement, je ne pourrais pas décrire ma journée type, hormis quelques points récurrents, mais éparses : la lecture matinale des mails envoyés la veille par l’équipe de Montréal, puis le daily meeting de l’équipe Game Building. Il y a aussi des points réguliers de synchronisation avec d’autres départements, notamment celui avec l’équipe Tools – ma réunion préférée ! Ensuite, je me lance dans mes tâches, puis j’ouvre des parenthèses, qui soulève des questions, qui amènent une autre parenthèse… Et les réunions se calent là-dedans ! La complexité, c’est de refermer toutes les parenthèses en fin de journée, ou d’en garder une trace pour les traiter le lendemain. Ah, et puis parfois, au milieu de tout ça, je finis mes tâches initiales !
QD : Certaines de tes inspirations extérieures se reflètent-elles dans ton travail ?
J’aime beaucoup les jeux narratifs à embranchements, vu que j’étais lecteur de Livres dont vous êtes le Héros dans les années 80, qui reposent sur le même principe que les jeux Quantic Dream. Ça ne se reflète pas directement dans mon travail actuel, mais ça se reflète dans le travail que j’ai choisi, on va dire 😉 Mes autres inspirations sont les grandes œuvres musicales orchestrales ; au-delà de leur composante artistique, ce sont d’incroyables architectures, parfois très complexes. Et c’est quelque chose qui m’inspire dans la création des jeux vidéo. Réussir à atteindre un résultat plaisant et simple pour le joueur sans qu’il puisse se douter de la complexité qu’il y a derrière.
QD : Voici une grande question… Quels sont tes jeux préférés ?
Mon jeu préféré de tous les temps pourrait être Final Fantasy XI pour les incroyables aventures que j’ai pu y vivre, et pour son immersion qui n’a été rattrapée à mon sens que récemment par des jeux comme The Legend of Zelda: Breath of the Wild. Mais sinon, beaucoup de J-RPG, car ils véhiculent souvent beaucoup d’émotion, même à l’époque des machines 8 et 16-bit. Et sinon je peux aimer n’importe quel genre de jeu du moment que la direction artistique me touche, que ce soit visuellement ou musicalement. Par exemple, j’ai un énorme faible pour le travail artistique des Castlevania Lords of Shadow. Même chose pour American McGee’s Alice, ou plus récemment Gris. J’en profite aussi pour citer Heaven’s Vault, mon jeu préféré en 2021 ; si vous aimez les aventures narratives, ne passez pas à côté ! Je termine en citant Silent Hill 2 qui a marqué un tournant pour moi : j’ai pris conscience que le jeu vidéo avait quelque chose à dire, et que si je pouvais, il fallait que je devienne développeur.
QD : Dis-nous en plus sur tes centres d’intérêt en dehors du travail.
Commençons par le banal pour un développeur : les jeux vidéo, la science-fiction, la fantasy, les mangas, les comics, les romans (mais de Star Wars uniquement :p). Et je suis violoniste, j’ai joué dans des orchestres classiques (baroque, opéra, symphonique, ciné-concert, etc.), dans des groupes de chanson française, dans des mélanges orchestre + rock-électro (Satine Under Philarmonëën)… Ces temps-ci j’ai un regain d’intérêt pour Bach, sa musique est juste incroyable !
Et sinon je suis de très près tout ce qui touche à l’environnement, l’énergie et l’alimentation éthique. J’aimerais que le milieu du jeu vidéo prenne conscience qu’il a aussi un rôle à jouer et n’aille, par exemple, pas forcément vers la course à la puissance, qui peut impacter négativement la consommation d’énergie. Je sais que c’est étonnant venant de quelqu’un qui a travaillé sur des projets souvent à la pointe, mais c’est aussi à nous d’évoquer le sujet auprès de nos collègues, nos amis, au sein de nos jeux, et même auprès des joueurs, pour changer les mentalités petit à petit, plutôt que de fermer les yeux.
QD : À quoi ressemble ton vendredi soir idéal ?
Je dors, après la grande réunion Level Design/Tools qu’on a avec l’équipe de Montréal ! Je veux être en forme pour les weekends, donc je n’ai pas l’habitude de m’épuiser le vendredi soir, je préfère commencer par récupérer.
QD : As-tu un message pour nos lecteurs ?
Vous voulez devenir développeur de jeu vidéo ? “It’s a trap!” 😀 Plus sérieusement, merci à celles et ceux qui ont partagé des streams en jouant aux jeux que nous réalisons. C’est extrêmement émouvant pour nous de vous voir jouer à ces œuvres qu’on a mis des années à construire et de voir vos réactions ❤️
QD : Dernière question ! Gâteau au chocolat ou tarte aux fruits ?
Gâteau au chocolat, mais vegan ! Du genre brownie, je ne peux juste pas résister !