SIMON POOLE : LE SON DE DUSTBORN 

Dustborn est la dernière-née des productions signées Red Thread Games, le studio fondé par Ragnar Tørnquist à Oslo il y a une douzaine d’années. Ce jeu d’action-aventure à la narration décapante est disponible sur PC (version dématérialisée), PlayStation 5, PlayStation 4, Xbox Series X|S et Xbox One. 

Dans Dustborn, il est question d’espoir, d’amour, d’amitié, de robots…et du pouvoir des mots ! Un road-trip périlleux aux allures de western futuriste, dans une Amérique uchronique sous le joug d’un pouvoir autoritaire, dont vous n’échapperez qu’au prix de batailles et punchlines épiques. Avec en toile de fond une couverture pas comme les autres : un groupe de punk rock, dont chaque performance marque un pas de plus vers la liberté ou le chaos. Un parfait prétexte donc, pour partir à la rencontre de Simon Poole, l’homme-orchestre derrière les hymnes contestataires de Pax et sa troupe de rebelles ! 

Baigné dans la musique classique par ses parents, tous deux musiciens dans l’orchestre symphonique de la BBC à Londres, Simon part un temps explorer les méandres des scènes jazz et électro à travers le monde, trompette en main, avant de débarquer à Oslo au début des années 2000. Il y fait la rencontre du Directeur Audio de Funcom, qui est alors l’un des rares studios de développement norvégiens, au hasard d’un concert où les deux musiciens sont à l’affiche ; un moment décisif dans sa carrière : « Je n’avais jamais envisagé de travailler dans les jeux vidéo« , avoue Simon, « mais un jour, en cherchant des offres d’emploi dans le journal, j’ai vu ce poste de designer audio chez Funcom, à Oslo. Je me suis dit : « Eh, mais je connais ce type qui recrute ! » Je me suis dit que c’était une opportunité intéressante, parce qu’on m’avait souvent dit que ma musique avait un petit côté design audio. J’ai donc repris contact avec lui, nous en avons parlé et voilà, c’est comme ça que j’ai commencé à travailler en tant que designer audio pour des jeux vidéo !”  

Évoluant au fil des ans de designer sonore à directeur audio et compositeur, Simon poursuit son chemin avec Ragnar Tørnquist, ancien collègue de Funcom puis fondateur de Red Thread Games. Avec une confiance mutuelle basée sur près de deux décennies de collaboration, Simon bénéficie d’une liberté artistique absolue, qui s’exprime pleinement dans Dustborn. « Il y a tellement d’éléments musicaux différents dans le jeu », explique Simon. « Il y a la musique cinématique, qui est plutôt dramatique et émotionnelle. Ensuite, il y a la musique des phases de combat, qui est légère et entraînante. Et enfin, il y a les morceaux du groupe, The Dustborn. Je me suis concentré sur chacune de ces pistes, en essayant de trouver pour chacune une signature propre, plutôt que de faire sonner l’ensemble de la bande-son de manière homogène. C’est un peu comme si je travaillais sur trois jeux différents !” 

En enfant des années 70-80, Simon a pu injecter dans l’ambiance musicale de Dustborn une bonne dose de sons synthétiques résolument anachroniques, qui reflètent à la fois l’omniprésence des robots, le contexte post-apocalyptique, mais aussi l’esprit punk de Pax et son équipée sauvage : « J’avais en tête un son granuleux, la saturation typique des vieilles bandes magnétiques. Il y a quelques synthétiseurs aux sons très propres, lisses, mais il y a surtout beaucoup de ces sons “grungy”, ces synthétiseurs bien sales, que j’aime bien. Noam et le keytar constituent la véritable signature sonore du groupe, cette sorte de synthé au son assez ringard des années 80 ; je ne voulais pas du tout qu’il sonne cool ! Mais il y a aussi Sai et sa boîte à rythmes, c’est quelque chose d’assez étrange et inhabituel, ça m’a permis d’avoir à peu près tous les sons de batterie qu’on pouvait déclencher en appuyant sur un bouton. Tout ça réuni, ça donne un son numérique façon début des années 90. Ce n’est pas du 8-bit ou quelque chose comme ça, mais ça a une sorte d’ambiance Sega Megadrive, presque.” 

Avec l’idée d’accentuer encore d’avantage ce son poussiéreux, Simon fait appel à Charlotte Hatherley, guitariste du groupe de rock alternatif Ash, qui infuse le répertoire de Pax d’une bonne dose d’électricité. Charlotte signe également “Good Ways to Cry”, une petite douceur pop acidulée teintée d’une nostalgie communicative, en ouverture du road-trip. Au total, Simon Poole aura produit plus de 5 heures de musique pour habiller Dustborn ; un travail de titan étalé sur trois ans : “Mon rôle n’est pas de prendre la vedette et de faire en sorte que les gens pensent à ma musique,” explique Simon, humblement. “Je pense qu’il s’agit plutôt de s’assurer que les joueuses et joueurs vivent la meilleure expérience possible avec Dustborn, et que je ne fais qu’aider à raconter l’histoire que le réalisateur veut raconter. Et peut-être que certaines personnes écouteront la bande-son en tant que telle, que ce soit dans le jeu ou en dehors. J’en serais ravi !” Humble, définitivement. Et s’il fallait encore se convaincre de la bonne énergie qui nourrit la bande-son du jeu, Simon a saupoudré çà et là des morceaux de sa propre vie, à dénicher dans les États-Divisés d’Amérique. Les sons de l’Echo, interprétés par la compagne de Simon, elle-même chanteuse accomplie, ou encore la chorale du camp Cedar, qui comprend également les vocalises de leur talentueuse fille. Dustborn est loin d’être le premier jeu de Simon, et c’est sans aucun doute loin d’être le dernier, mais le musicien y a clairement mis tout son cœur : « J’ai tendance à me lancer à fond dans chaque jeu. J’ai la cinquantaine maintenant, et travailler sur un projet, c’est plusieurs années », dit-il avec sagesse. « C’est un chapitre de ma vie et c’est pourquoi j’aime y associer ma famille. Je passe tellement d’heures dans mon studio, avec mes proches de l’autre côté de la porte ; c’est bien de leur permettre d’entrer ici parfois, d’avoir un aperçu de ce que je fais« . Le petit supplément d’âme qui fait toute la différence. Alors poussiéreuse, excentrique, rêveuse, entraînante : qualifiez la bande-son de Dustborn comme bon vous semble, mais une chose est sûre : Simon Poole a tout prévu pour que nous soyons emportés à chaque seconde de l’aventure !